Conservation, restauration de peintures murales et bois polychromes:

Fresques, mezzo fresco, détrempe, huile, sur supports d'enduit, de pierre, de toile, de bois...
Plafonds à la française, décors de boiseries, sculptures monumentales et mobilier liturgique...
Méthodologie de "restauration timide":
-respectueuse de l'oeuvre, sans résines ni produits écotoxiques
-produits naturels et aucune interprétation
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Bonjour chers visiteurs! J'ai créé ce blog afin de partager avec vous mon métier-passion.
Le Patrimoine, l'architecture, les objets qui nous entourent font partie de notre Histoire, que ce soit l'histoire de notre beau pays, ou une petite histoire qui a marqué une région, un village, l'un de nos ancêtres, et nous touche des années après...
Je me consacre coeur et âme à la sauvegarde de ce Patrimoine.
Conserver, restaurer, c'est soigner, préserver...
Et aimer, respecter.


samedi 31 mai 2014

Un exemple de restauration timide.

Le logis de Vendanger est un ancien logis prieural situé dans le Maine-et-Loire.
Des passionnés de patrimoine l'ont acquis à l'état de ruine, sur un coup de foudre, et l'ont restauré avec un respect et un amour qui sont exemplaires...


Ses exceptionnelles peintures se situent au premier étage et datent de la fin XVème, début XVIème siècles.

L’ensemble de la pièce est peint : les murs Nord, Est et Sud en enduit, la cheminée et les ébrasements de baie en pierre, le mur Ouest à pans-de-bois et torchis, et le plafond de solives en bois.
Ces peintures sont caractéristiques de la seconde moitié du XVème siècle dans la région angevine, sous le règne du Roi René d’Anjou: motifs floraux très aérés ( proches des œillets, marguerites et petites baies) posés au pochoir sur des tiges très fines peintes à main levée. Viennent se placer des sujets historiés à l’entrée de la pièce (Sainte Marguerite) et près de la baie (Saint Pierre) sur le mur Sud puis sur les murs Est (Crucifixion) et Nord (Saint Christophe et Sainte Barbe).
Enfin, sur le manteau de la cheminée se découvre un décor de grisaille représentant frise de fleurs et éléments décoratifs.
Les solives sont teintes en quatre tonalités qui alternent, et la poutre maîtresse est divisée en dix bandeaux contenant des motifs de brocard typiques du Moyen-âge.


La peinture est réalisée à la détrempe sur badigeon de chaux, avec une gamme colorée réduite : trois pigments ocre jaune, ocre rouge et noir de fumée, et le blanc de chaux (blanc de Saint Jean). Avec ces pigments sont obtenues huit teintes : jaune, rouge, noir, brun , gris bleuté , gris, vert et rose.


Les décors ont été recouverts d’une série de deux à trois badigeons de chaux (deux pour les murs, ébrasements de baies et torchis, trois pour la cheminée), et étaient fortement empoussiérés et encrassés de noir de suie. Ils ont subi par endroits des eaux de ruissellement créant des zones de calcification. Des sondages font constater que la peinture sous badigeons de ces mêmes zones est pulvérulente. D’autres zones peintes, partiellement (et sauvagement) dégagées antérieurement, ont été essuyées, faisant « baver » les pigments.
Les décors appliqués sur pierre (cheminée et ébrasements de baies) sont complètement décollés du support et donc très fragiles.


La premier étape a consisté à faire le dégagement mécanique des badigeons de recouvrement et en accompagnement la consolidation des décors sur supports enduit de chaux, de pierre, de torchis et de bois. (fixatif naturel caséine, réversible, méthode Institut Spinelli)

Dégagement en cours: les décors sont encore très bien conservés.

Un dépoussiérage minutieux a ensuite été effectué afin d'éliminer les dernier résidus de chaux et les poussières.

Ensuite, j'ai purgé les enduits récents et repris les lacunes au mortier de chaux, avec solins en périphérie des décors. Certains enduits effectués au XVIIème siècle sont restés en place, car cohérents avec l'ensemble et faisant partie de l'histoire des décors et du bâtiment.
J'ai parallèlement injecté un consolidant à la chaux fait maison (coulis romain méthode Torraca) dans les fissures et poches de décollement d’enduit.

J'ai fait une longue recherche afin de trouver un enduit souple et stable pour le mur à pans de bois et torchi, et ai trouvé les bonnes proportions afin d'intégrer une fibre végétale dans mon enduit. Ce résultat très positif a été validée par l'Architecte en Chef des Monuments Historiques.
Je suis actuellement dans la rédaction d'une publication pour cette recherche.

Essais d'enduit concluants.

Enfin, après l'application d'un badigeon de chaux sur les petites lacunes ré-intégrables, j'ai pu doucement aborder la restauration picturale, par retouches a tratteggio, de façon très ponctuelle, uniquement avec les trois pigments ocres jaune, rouge et noir de fumée et liant organique (gomme arabique, réversible).
Pour tout les supports bois, aucune retouche, seul un nettoyage minutieux puis une brumisation légère de caséine afin de refixer les pigments.
Pour évité une restitution (abusive), j'ai préféré proposer une "retouche virtuelle", sur des clichés photographiques, afin de simuler le décor originel. Cette proposition a séduit les clients et la DRAC, confirmant déontologiquement  ma démarche de restauration timide.

Ici, retouche en cours.

Voici comment présenter un chantier de restauration timide: un mur avant restauration 1,  un croquis virtuel explicatif en cours de dégagement 2, une légère retouche picturale 3  et une retouche virtuelle pour simuler le plausible décor 4.

1 (avant restauration)

2 (dégagement en cours)

3 (après restauration)

4 (retouche virtuelle)


Quelques clichés des peintures restaurées:


Petite vidéo (très amateur) ici:


Ce chantier a permis de former une professionnelle et deux stagiaires avec cette démarche de restauration non "abusive":
Corinne Tual, Marie-Laure Longin, Anne-Laure Gilet.

Merci infiniment à Florence et Hervé pour la confiance qu'il m'ont accordée, pour leur accueil, leur gentillesse et leur passion!